- ÉCRIT PAR Frankiz
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J-L Coué - 6ème escouade
Témoignage du Mousse Jean-Louis Coué
2ème compagnie 1966-1967 - 6ème escouade
Vous allez parcourir un extrait des souvenirs de mon passage dans la "Royale" appellation qui a tout son sens dans la Marine Nationale, vieille fille qui a encore ..... ses règles.
Cet épisode de ma vie ne concerne que mon passage à l'École des Mousses du Groupe Armorique à la 2ème compagnie 1966 - 1967 ; Le Groupe Armorique est devenu par la suite le Centre d'Instruction Navale de Brest
La Belle Poule pour ma 1ère navigation
Alors bonne lecture ... pour ceux que cela intéresse ...
Pourquoi devient-on Marin dans la Royale ?
Pour de multiples raisons sans doute, avec pour chacun des particularités. Pour ce qui me concerne, je pense que la raison première revient à ma mère, qui très tôt m'a inculqué ce devenir, en souvenir sans doute de son grand-père paternel, Pierre Marie Benjamin Milinault, 2ème Maître Canonnier dans la Marine au XIXe siècle.
Étant le dernier d'une modeste famille de trois enfants, nous résidions à Nantes, mais nos conditions économiques de l'époque ne me permettaient pas d'intégrer une école privée catholique comme mes deux sœurs.
Alors je suis allé en public au lycée Clémenceau de Nantes, puis à son annexe le collège de la Colinière, jusqu'en classe de 3ème.
Je n'avais certes pas un goût prononcé pour les études et l'idée bien ancrée, que j'irai dans la Marine, ne favorisait pas d'autre ambition que celle là.
Comment devient-on Pompon Rouge ?
En 1965, ma première demande pour rejoindre la Marine a été différée pour raison médicale, mais une contre visite quelques mois plus tard, a donné le feux vert pour intégrer l'École des Mousses au Groupe Armorique de St Pierre de Brest.
Le choix des écoles du Pont par rapport aux Apprentis Mécaniciens vient également de ma mère, qui avait souhaité que je devienne radio, en référence à un de ses oncles paternels par alliance, qui était radio dans la Marine Marchande !!!
Mes parents ont décidé de me conduire par la route pour arriver devant la porte du Groupe Armorique le 15 mars 1966. Nous avons dormi la veille à Châteaulin et je ne me souviens pas avoir été perturbé plus que cela par ce qui m'attendait le lendemain.
Et la suite ?
Ce changement radical de ma vie, encadré par la discipline parfois très dure pour moi qui n'avais jamais connu la pension, a sans doute été une bonne chose, car que serais-je devenu ? Sans doute un technicien qui aurait fondé une famille, avec une histoire différente mais sûrement moins passionnante.
Je ne regrette rien, bien au contraire, mais n'anticipons pas !
Le récit que vous allez parcourir se veut avant tout factuel, même si parfois l'émotion ressurgit dans l'évocation de souvenirs précis. Par pudeur je tairai certains épisodes ..... allez n'hésitons pas à le dire .... scabreux.
Une description détaillée serait fastidieuse, aussi pour illustrer toutes ces années dans ma nouvelle vie ... de l'époque ... je ne citerai que quelques anecdotes caractéristiques, qui m'ont directement concerné.
Et surtout, soyez en sûrs
si c'était à refaire, je le referais!
Le premier jour
J'ai encore un souvenir précis de notre arrivée devant les grilles du Groupe Armorique à St Pierre de Brest et de voir des Marins en uniforme qui gardaient la monumentale porte d'entrée.
Beaucoup de gamins comme moi, accompagnés de leurs parents attendaient en ce début de matinée le passage devant le gradé après une vérification d'identité et la fouille des bagages (1), première séparation d'avec les parents pour rejoindre l'intérieur de l'établissement.
J'ai donc pris ma valise et j'entends encore mon père demander au gradé « est-ce qu'il peut prendre sa guitoune ? » après accord, ma valise d'une main et ma guitare de l'autre, j'ai suivi le flux des nouveaux Mousses, pour un rassemblement dans la cour d'honneur.
Même s'il était prévu de retrouver les parents en début d'après midi, certains masquaient mal leurs larmes. J'ai mis un point d'honneur à relever la tête, mais .... en évitant de me retourner ... pour ne pas tomber en sanglots !
Je passe sur le changement de tenue, pour quitter les habits civils et être tous en survêtements, le regroupement en escouades, la rencontre des anciens après le déjeuner qui recherchaient un « pays » pour enfin retrouver les parents une dernière fois avant une séparation de quelques mois.
Cette première journée est passée très vite, déjà pris dans le tourbillon des activités, qui avec le recul, me fait dire que l'objectif de l'encadrement était de nous occuper l'esprit pour ne pas avoir à réfléchir à d'autres choses.
Je crois que nous avons passé cette année à l'École des Mousses à courir, toujours sur le « pont » avec très peu de moments de répits.
(1) recherche d'équipements prohibés (couteaux, etc.) et d'argent
L'organisation militaire
L'École des Mousses comprenait 3 compagnies, la 1ère et la 3ème dont l'incorporation avait lieu en septembre de chaque année, et la 2ème, la mienne, incorporée en mars.
Après 15 jours de tests divers et variés, certains retournèrent à la vie civile. La 2ème compagnie prit alors sa place avec 176 Mousses. L'uniforme au pompon remplaça enfin le survêtement.
La délivrance du sac effectuée, après avoir marqué à l'encre de chine tous nos vêtements et noirci au cirage les brodequins, qui nous étaient donnés jaunes .... et oui ..... , la première revue eut lieu.
Autant vous dire que nous étions fiers d'arborer cette tenue avec le bachis orné du ruban légendé « École des Mousses » et au bras la plaque matriculaire (1).
(1) mon matricule marine : 056610440
Ruban légendé École des Mousses
Ma plaque matriculaire
J.L Coué en treillis
Ce qui m'a surpris au départ est que la tenue de travail était le treillis avec vareuse et pantalon à pont en toile gris-bleue alors que j'imaginais toujours le Marin en tenue bleue (comme quoi j'étais mal documenté sur les us et coutumes de la Marine).
Étant donc de la 2ème compagnie, nous avons été répartis en 6 escouades (chiffres pairs de 2 à 12) dont les 2 premières étaient réservées à ceux d'un bon niveau scolaire (de l'époque) pour préparer l'École de Maistrance, abritée également au Groupe Armorique.
Venant de 3ème scolaire, je me suis retrouvé à la 4ème escouade, mais pas pour longtemps car après quelques contrôles je suis descendu en 6ème escouade, pour suivre ma scolarité de Mousse.
Il faut croire que l'École de Maistrance n'était pas faite pour moi, ce qui par la suite s'est avéré positif !
Les singularités et la scolarité
Les singularités
Bien qu'entrés en mars, l'engagement ne prit effet qu'au 1er juillet, soit 3,5 mois en « cadeau » à l'état.
Nous n'étions que des gamins, mais l'armée nous attribuait 8 paquets de cigarettes « troupes » par mois, alors que beaucoup n'avaient jamais fumé auparavant ! Ce n'était pas le cas pour moi car le père de mon ami d'enfance, Michel, travaillait à la manufacture des tabacs de Nantes, chargée notamment de fabriquer les troupes, alors une chose en entrainant une autre .... je clopais !
Nous touchions un maigre pécule de xxx francs par mois, lequel était gardé par la compagnie, qui nous le distribuait avec parcimonie. Les rares mandats que nous envoyaient nos parents, subissaient le même sort.
La scolarité
Les matières générales (Français, Maths, Histoire/Géo) étaient enseignées par des professeurs civils, tandis que le sport, les matières maritimes (matelotage et navigation) et militaires (règlement et connaissance des armes) étaient managées par des gradés instructeurs, seconds-maîtres ou maîtres, des anciens dont certains avaient fait l'Algérie voire l'Indochine !!!
Quelques uns étaient aigris par leur carrière plutôt « terne » ou autres vicissitudes familiales et ils prenaient un malin plaisir à nous faire « morfler » !!! il y a des vicieux partout.
Cela me changeait du programme de 3ème et je dois avouer me l'être « coulée douce ». C'est sans doute pour cela que mon rang de sortie n'a pas été "top", loin s'en faut !
La vie courante
L'emploi du temps, de 6H30 à 22H30, était très chargé.
Au branlebas nous, devions sauter du lit, plier draps et couvertures au carré et replier le matelas dessus.
Après une rapide toilette, descente en courant vers le réfectoire ou il fallait former des groupes de 12 en rangs, pour entrer à 7H00 au petit déjeuner.
Ensuite à 7H30 le poste de propreté (1), puis à 9H00 la classe jusqu'à midi pour rejoindre le réfectoire.
Après une courte pause et les cours de l'après-midi, goûter à 15H45 (pain sec et barre de chocolat) reprise des cours à 16H00 puis à 17H00 direction les dortoirs pour refaire les lits et ensuite à 17H30 étude.
Repas du soir à 19H00 puis à 20H00 études jusqu'à 22H00 et à 22H30 nous devions être couchés pour l'extinction des feux.
Les journées étaient rythmées par la cloche de l'aubette et par les sonneries au clairon du réveil à l'extinction des feux.
Nous devions courir, encore et encore, pour passer des cours scolaires au matelotage, du sport à l'apprentissage des armes, des repas aux rassemblements pour l'appel, du goûter aux études et finir par rejoindre le dortoir pour sombrer dans les bras de Morphée à peine allongés.
(1) ménage journalier
Les déplacements se faisaient au pas cadencé souvent en chantant. Ma crainte était d'entendre le gradé hurler « Coué le ton pour une chanson » car je n'étais pas doué pour le chant, même militaire !!
Il faut également parler des repas ! Dans le civil, je ne connaissais pas la cantine et même sans fortune, nous mangions correctement à la maison. Aussi, dès les premiers repas aux Mousses je suis tombé de haut, la nourriture était pour moi immangeable. Cependant après quelques jours d'activités intenses, la faim a pris le dessus et les plateaux repas étaient tous vides.La compagnie dormait dans un dortoir unique, dont les odeurs, les rêves ou cauchemars parfois à voix haute, étaient surveillés à tour de rôle par un des nôtres.
La navigation
Sans aucun doute mes meilleurs souvenirs.
l'apprentissage sur les chaloupes-baleinières
en rade de Brest à l'aviron et aussi à la voile
les sorties en mer sur les goélettes "Étoile" et "Belle-Poule"
Je revois encore ces moments inoubliables à bord des goélettes, où en navigation, j'aidais à la manœuvre des voiles et flèche d'étai. La vitesse me semblait élevée, alors que par vent fort, elle ne dépassait que difficilement les 10 nœuds (1).
(1) le noeud marin est une unité de vitesse, qui correspond à un mille marin par heure, soit environ 1852 mètres à l'heure
et puis sur le dragueur de mines « Œillet »
Pour les repas à bord, notre paquetage comprenait une musette marron dans laquelle nous rangions notre bol, notre quart, notre gamelle, un couteau et une fourchette, le tout en ferraille.
Les punitions
Cet apprentissage maritime a été pour moi une révélation, moi qui ne connaissait de la mer que la plage où nous passions nos vacances en famille à St Michel-chef-chef, au sud de Nantes, et les péniches sur la Loire.
Peut être étais-je une forte tête, mais malgré les punitions et les coups, je n'ai jamais baissé casaque !!! Alors les punitions pleuvaient encore et encore, la consigne, les corvées, les quart de nuit au séchoir, le peloton, puis la prison :
- La consigne, comme son nom l'indique, pas de sortie en ville.
- Les corvées notamment celles des « cochons » consistait dans une odeur épouvantable et une crasse indescriptible, à remplir des cuves avec les restes des repas sous la commande du paysan éleveur, un pauvre taré, qui « graissait » la patte aux gradés commis/cuisiniers.
- Le quart de nuit au séchoir, réservé aux punis, équipés d'une capote militaire d'un casque et d'un ceinturon, je me souviens de ce gradé fusiller, qui parfois rampait pour surprendre le pauvre Mousse qui « chiait dans son froque » déjà de trouille dans la nuit sans éclairage, alors !!!
- Le peloton pendant la pause du midi, où équipés du casque lourd superposé au casque léger, du ceinturon cartouchière et du fusil mousqueton, nous devions courir en grimpant les escaliers, monter les côtes en « marche en canard » avec des coups de pieds au cul lorsque nos forces nous lâchaient, faire des pompes avec le fusil à la main, doigts contre le sol, en répétant « c'est bon la vie de château pourvu que ça dure ».
Tant de violences pour des broutilles, cela ne pouvait faire de nous que des révoltés. Il faut noter que certains "moutons" qui s'accommodaient de tout, n'ont jamais connu cela, savaient-ils que cela existait ? je n'en suis pas certain !
En parlant des coups, je me souviens d'une navigation sur baleinière en rade de Brest, où nous "tirions" sur des avirons faits pour des adultes, nous qui n'étions que des gamins. Je « trévirais (1) » mon aviron dans le mauvais sens. Le second-maître bosco, plutôt que de m'en faire la remarque, me giflait à chaque erreur. Jusqu'à ce que ce que je n'en puisse plus et qu'il se prenne la queue de l'aviron dans la « gueule » ... Il ne s'en ait jamais vanté à notre hiérarchie !!!
Et puis la prison, en cellule sur une planche avec juste une couverture, par deux fois j'y ai « goûté » pour bagarre :
- Une première fois pour une injustice dans le partage de nourriture au réfectoire, lorsque j'ai frappé du poing l'auteur, tout en serrant ma plaque matriculaire de poignet. Résultat .... un sourire fendu pour lui ... et directement en prison sans manger pour moi.
Je me souviens, qu'un gradé sympa m'avait rendu visite une heure après, en me donnant un morceau de fromage entre deux tranches de pain et m'avait expliqué comment plier la couverture en accordéon pour en faire un matelas.
- La deuxième fois a été moins drôle, un soir dans le car des permissionnaires au retour de Brest, j'étais devant la porte en gênant le passage. Un « bleu (2) » m'a bousculé pour entrer et bien sûr, rendez-vous a été donné à 22H derrière « la boutique (3) » haut lieu de « justice » pour laver l'affront !
À l'heure dite ... personne. Je suis allé le chercher dans son dortoir et malgré ses excuses je n'ai rien voulu savoir ! Il est donc venu ..... j'ai pris la « tête » de ma vie, direction l'hôpital.
Justice a été rendue, moi le provocateur 6 jours de prison et 1 jour de permission en moins, l'auteur 3 jours.
Pendant mon hospitalisation je me souviens avoir entendu la porte de ma chambre s'ouvrir, d'avoir vu des chaussures devant moi et en levant la tête ..... mon père ! Je n'en menais pas large, mais la seule chose qu'il m'ait dit, gestes à l'appui « je regrette que tu n'aies pas une tête comme ça ».
Mes parents avaient été convoqués pour que je sois exclu de l'armée. Ont-ils été suffisamment convaincants ? Toujours est-il que je suis resté.
Enfin pour clôturer cette large parenthèse « punitions » je me dois de parler des punitions collectives. L'une d'elle, la plus perverse administrée par certains gradés « tarés » consistait à réveiller la compagnie en pleine nuit, pour aller courir autour du stade.
La raison ? Sans doute un peu de chahut de quelques uns après le couvre-feux. Imaginez-vous en train de dormir profondément, lorsqu'on vous réveille brutalement pour aller courir sans raison pendant une heure voir plus !
Malgré cela, nous n'en voulions pas aux responsables du chahut.
(1) "trévirer" consiste à effectuer une rotation sur l'aviron, de façon que sa "pelle" entre dans l'eau perpendiculairement.
(2) appellation totalement péjorative des mousses des compagnies entrées après nous.
(3) la boutique était un ancien bunker Allemand, à l'écart des bâtiments, dans lequel il y avait des pièces dédiées aux distractions
Les loisirs
Même si nous manquions de temps, nous avons passé de bon moments. Nous avions quartier libre le samedi après-midi et le dimanche après le poste de propreté.
Souvent le samedi après-midi nous faisions du sport libre et oui, il faut croire que nous n'en avions pas assez. Je pratiquais la lutte en entrant aux Mousses, mais le seul Mousse, Michel, que j'ai trouvé dans cette discipline était très grand, environ 1,90 m et pesait 30 kg de plus que moi. Le seul terrain pour combattre était la pelouse du stade. Alors autant vous dire qu'après quelques combats .... j'ai laissé tomber, je ne faisais pas le « poids ».
Ces quelques heures étaient également mises à profit pour le courrier, entretenir notre sac (laver, repasser, recoudre notre uniforme) aller au foyer, se partager les colis reçus pour certains, de nos parents.
J.L Coué - le courrier et le partage du colis
Il y avait également un bunker de la guerre 39-45, appelé la « boutique » aménagé en centre de « loisirs (1) ».Le lavage mérite que l'on s'y attarde. Le lavoir/séchoir était à quelques distances du bâtiment principal, enclos grillagé en plein vent, il était « gardé » jours et nuits par un Mousse. Les lavoirs en ciment ne recevaient que l'eau froide. Par grand froid il fallait casser la glace et de nos doigts rougis, nous frottions nos tenues avec la brosse de notre sac. Cela faisait également partie des « loisirs ».
Puis il y avait la journée du dimanche. Avec l'autorisation de sortir avec nos 10 francs en poche, en tenue de drap de laine bleue (2), col bleu et pompon rouge, à 9H00 pour ceux qui avaient de la famille sur place et 10H00 ou 13H30 pour les autres. Des cars nous déposaient à Brest et retour pour tout le monde à 19H00.
Alors deux possibilités s'offraient à nous : aller au dancing ou traîner en ville. L'entrée au dancing « La Redoute » coûtait 7 francs, le vestiaire 1 franc et une bière 2 francs. Il fallait donc compter sur la générosité des copines ..... pour un deuxième coup ..... et ça marchait ! Bien sûr il fallait des compensations !!!
La tournée des bistrots étaient également possible. Nous allions parfois au « café du nord » à Recouvrance voir les hôtesses aux mains ... aventureuses ...
À 80 cts le muscadet, les esprits s'échauffaient dans l'après-midi. Dans ces moments là nous étions solidaires entre Mousses et lorsqu'il y avait des paires de baffes à distribuer, il n'y avait peu de fainéants, de jeunes Brestois « anti-marins » en ont fait la douloureuse expérience.
(1) rien à voir avec ceux qui existent à l'heure actuelle
(2) tenue de drap remplacée par la tenue en tergal pour l'enterrement Maréchal Juin en janvier 1967
La musique
La musique de l'École des Mousses était dirigée par le Premier Maître clairon-coiffeur (1) Kapoul, qui dirigeait d'une main de fer la partie clique ainsi que la partie harmonie. C'était un noir, riche en couleur si je puis dire, qui était impressionnant et piquait des colères mémorables. Je l'entends encore me hurler à la face en postillonnant « je vais te foutre mon clairon dans la gueule » alors ..... qu'il faisait tourner son sifflet.
Je me souviens encore de la sélection. Nous étions en rang au garde à vous lorsque l'adjudant de compagnie a annoncé d'un ton péremptoire « ceux qui jouent de la musique, un pas en avant ». Étant guitariste à mes heures je suis donc sorti du rang et, avec une cinquantaine de nouveaux Mousses, nous nous sommes retrouvés à l'écart devant Kapoul.
Les musiciens d'harmonie (trompette, saxo, clarinette, ...) ont été mis de côté pour audition et les autres, un par un nous sommes passé devant Kapoul qui nous tendait un clairon ; tout celui qui sortait au moins un son devenait « clairon » les autres étaient désignés « tambours »
J.L Coué - Mon clairon personnel
Bref, faire partie de la musique était un privilège car nous étions dispensés du poste de propreté du matin pour s'entraîner pendant ce temps là. Je suis donc devenu « clairon » et accessoirement « coiffeur » au grand dam de mes jeunes camarades. Le plus petit de la compagnie a été désigné comme « canne major ».
J.L Coué service clairon
Pour la journée de service nous étions le clairon qui rythmait la vie de la compagnie, ce qui valait mieux qu'être à la souillarde ou à la corvée de cochons.
(1) je n'ai jamais su pourquoi ces deux spécialités allaient de paire dans la Royale
Parfois nous défilions le dimanche en Bretagne, nous étions fiers car le prestige du pompon rouge en ce temps là était quelque chose et après le défilé .... à nous les petites Bretonnes, du-moins par manque de temps on en rêvait.
Le sport
Le sport prenait une grande place dans notre vie.
Le plus dur était les séances de « décrassage » deux fois par semaine, qui consistaient après un lever à 6H00, à aller courir dans la campagne, le ventre vide, par n'importe quel temps. Retour vers 7H15 pour prendre un rapide petit déjeuner et reprendre les horaires normaux. Courir toujours courir !!!!
Un décrassage par un froid matin d'hiver, sous une pluie battante, m'a marqué particulièrement. Les gradés avaient décidé d'allonger la route et nous courrions trempés jusqu'au os. En passant Locmaria-Plouzané, bourgade assez éloignée de l'École des Mousses, nous avons défilé au pas cadencé en chantant. Les habitants surpris n'en croyaient pas leurs yeux !
Au retour nous avons eu droit pour une fois à une douche chaude et un café, bien que l'heure soit passée depuis longtemps.
Et bien croyez moi, aucun de nous n'a attrapé la crève !
Les permissions
J.L Coué 1ère permission
Lors de ma 1ère permission à Nantes chez mes parents je me souviens d'avoir capelé mon uniforme avec fierté pour rejoindre le collège de la Colinière afin de rencontrer mes camarades de 3ème qui n'avaient pas terminé leur scolarité.
En passant devant l'hôpital militaire Broussais un bidasse hospitalisé m'a crié « les habits civils pendant les permes » quelle déception j'ai ressenti à ce moment là moi qui était si fier de ma tenue de Marin !
Puis arriva la fin de l'année. Nous allions quitter cette entité où nous étions « coucounés » à la dure pour entrer véritablement dans notre engagement Marine. La fin de cette année aux Mousses. Pour la fin de l'année 1966, aux vacances de noël / nouvel an, j'avais demandé à mes parents d'accueillir 2 Mousses Michel et Régis qui ne savaient pas trop où aller, sans réfléchir aux frais pour mes parents, ils ont pourtant accepté. Quelle insouciance j'avais alors.
La suite était de rejoindre une école de spécialité et pour ce faire, le choix de la spécialité était en fonction de l'aptitude physique et du rang de sortie. Je me souviens que les places disponibles par spécialité étaient inscrites sur un grand tableau et nous défilions un par un pour exprimer notre choix. Je n'étais pas assez « bon » pour être radio, alors je suis devenu électricien, malgré les gradés présents qui « vantaient » la spécialité de missilier. Pour cela merci à un ancien Mousse qui m'avait expliqué qu'étant missilier, à bord il passait son temps à peindre le bateau.
Enfin terminé.
Au 1er mars 1967, d'Apprentis Marins nous sommes devenus Matelots des Équipages, un galon rouge sur chaque manche et le ruban légendé « Marine Nationale » sur le bachis. Le sac marin sur l'épaule, la valise réglementaire d'une main et ma guitare de l'autre, j'ai franchi cette porte en me jurant de ne jamais revenir.
Pourtant je suis revenu en 2009, en qualité de civil invité, pour la réouverture de l'École des Mousses, qui avait été fermée par bêtise de l'état major Marine en 1988.
Que d'émotions ce jour là, mais ceci est une autre histoire.
Fin des mémoires de Mousse de Jean-Louis Coué
Gallerie
https://www.moussaillon.net/index.php/home/k2-categories/211-j-l-coue-6eme-escouade#sigProGalleria8db4f55ea6